[Mini Glop] Lignes de vie - Graham Joyce

Publié le par Epikt


Les romans de Graham Joyce font, avec une poignée d’autres ouvrages singuliers, office d’un véritable bol d’air pur au beau milieu d’un catalogue Bragelonne étouffé par la grosse fantasy qui tache (de grosse SF qui tache aussi, et bientôt de fantastique : houlà !). Un gramme de finesse dans un monde de brutes comme dirait la pub. Quoi qu’il en soit, plus proche de la littérature mainstream que de l’imaginaire (du moins, ainsi que les gens qui n’ont jamais rien compris à rien aiment l’entendre), Lignes de vie fait partie de ces bouquins (à l’instar, chez le même éditeur, de Days de James Lovegrove) que l’ont peut conseiller à des petites grands-mères et qu’elles apprécieront sans se rendre compte qu’il s’agit en réalité de fantastique, genre dont la simple évocation leur fait en règle générale apparaître une grimace de dégoût sur le visage.
Pour autant, Lignes de vie n’est pas un digest de fantastique facile et édulcoré pour amateurs de littérature générale. Mais pas non plus un étalage gratuit de fantômes et de vampires pour fans d’imaginaire trop attachés aux codes et apparences immédiatement identifiables du genre.

Deux mots qui caractériseraient bien le fantastique de Lignes de vie : subtilité et légèreté. Il s’insinue dans le récit à petites touches, en arrière plan, au travers de petites allusions. Lignes de vie conte l’histoire d’une famille, et comme tous les secrets de famille, toutes les coutumes et les non-dits, ce fantastique – qui  pourtant pèse sur leur vie et sur leur rapports – se dessine en sous-main, et c’est en pénétrant l’intimité de cette famille que le lecteur va peu à peu dévoiler le mystère. Ainsi, le roman se construit comme une galerie de portraits, à mesure que le petit Frank déménage de foyer en foyer, accueilli tour à tour par chacune de ses 6 tantes. Ces différents portraits brillent par leur sensibilité et leur capacité à éviter le cliché comme la facilité. Même la plus grande excentricité est dépeinte avec humanité et crédibilité, sans jamais tomber dans la surenchère ou le graveleux comme cela aurait pu être le cas pour certains (en particulier l’oncle embaumeur, décrit avec originalité et sobriété, alors qu’il aurait été facile de tomber dans le glauque).
 Aussi, l’absence de réel enjeu et d’intrigue pourra en déranger certains, mais c’est tout à l’honneur de Graham Joyce que de ni diluer ni compromettre son roman dans une mécanique de suspense qui n’aurait rien à y faire.

Alors certes, peut-être à cause de cette modestie dans l’écriture, Lignes de vie n’a rien de vraiment extraordinaire. Sûrement pas un manque de talent, mais peut-être d’ambition. Quoi qu’il en soit, en ces temps de gros barbares musculeux et de princesses guerrières pouffiasses, un peu de subtilité et de finesse fait un bien fou (surtout venant de la part de cet éditeur).




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Titre : Lignes de vie
Auteur : Graham Joyce
Titre original : The facts of life
Traduit de l'anglais (UK) par Mélanie Fazi
Publication originale : 2002
Edition française en 2005 chez Bragelonne

Publié dans Mini Glop

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F
N'etant pas une ardue acharnée de sciences fiction, je lui trouve pourtant  quelque chose de neuf, un peu de fraicheur donc je mettrais quand même un petit glop sans prétentionBécotsFlo
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E
Oh ! tu l'as lu ! Quelle heureuse coincidence !Tu en as lu d'autres de lui ? A priori En attendant l'orage devrait figurer dans ma pile de l'été.Quand à la SF, tu risques d'en entendre souvent parler ici, vu que je concidère ce genre (pour peu qu'il se défasse de ses encombrants archétypes) comme le plus puissant, le plus souple et le moins limité dans ses possibilités.