[Moué] Pink - Kyôko Okazaki

Publié le par Epikt


« La personne qui a vraiment changé ma vision du manga, c’est Kyôko Okazaki. [...] Quand j’ai lu Pink pour la première fois, ça a été une vraie révolution pour moi. J’ai complètement changé ma façon de dessiner. [...] Pink était un manga écrit par une femme, et Pink était libre. C’est grâce à Kyôko Okazaki que j’ai pu décider à mon tour de faire ce dont j’avais envie. »
Kiriko Nananan


Les lecteurs réguliers du Glop auront deviné pourquoi je devais lire Pink. Les autres finiront par savoir que je voue un culte sans borne à Kiriko Nananan (petit cours de rattrapage). Alors forcément, découvrir l’oeuvre de référence et les influences d’une auteure parmi ceux que l’on place au sommet de son panthéon personnel, c’est tentant. Etonnant d’ailleurs que Casterman n’ait pas véritablement communiqué dessus, j’en aurais inondé les dossiers de presse. A moins que je ne sois le seul lecteur de bon goût, moi qui me précipiterais sur la moindre cochonnerie Kiriko Nananan approved.
Quoi qu’il en soit, parcourrant Pink, la parenté n’est pas forcément immédiate. Mais on comprend pourtant ce qui a pu marquer la jeune Kiriko dans son parcours d’auteure de manga. Et on comprend pourquoi Pink est un livre important, à défaut d’être vraiment un bon livre.

Mais commençons par le commencement. Pink, c’est l’histoire de Yumi. Elle aime le rose et est employée de bureau. Elle est aussi call-girl, un extra qui lui permet de payer les dix kilos de viande engloutis quotidiennement par Croco, son crocodile d’appartement. Elle ne s’entend pas du tout avec sa belle-mère qui ne souhaite qu’une chose, transformer Croco en sac à main. Par contre elle adore Keiko la fille de cette dernière. Et la situation se complique quand elle rencontre Haruo, qui n’est autre que le gigolo de sa belle mère. Voui, c’est alambiqué.

Pour autant, Pink n’est pas un livre sophistiqué. Et c’est bien là où la parenté avec Nananan s’arrête. L’ensemble, particulièrement spontané, semble avoir été dessiné au fil de la plume, sans réel effort de composition des planches. C’est donc assez fouillis, sans pour autant que cela soit un obstacle à la lecture. Au contraire, celle-ci est très fluide et agréable. Mais jamais on ne s’arrêtera sur une planche particulière, subjugué par son astuce, sa perfection ou son raffinement. Privé de valeur ajoutée formelle qui aurait donné plus de relief à l’ensemble, Pink n’est finalement que ce qu’il donne à lire. Ce qui, vous me direz, n’est déjà pas si mal.

Donc à défaut d’autre chose la force de Pink c’est son propos, dénué d’inhibitions et de retenue. Féminin sans aucun doute, même si le mot ne veut pas dire grand chose. Décomplexé dans son approche entre autres de la sexualité Pink se livre donc sans faux-semblants. Une liberté de ton et une absence de clichés qui durent trancher avec le reste de la production de « manga pour fille » d’il y a vingt ans, mais disons qu’à la suite d’une décennie lors de laquelle le summum de la BD constituait à s’exhiber dans son intimité la plus totale (pour le meilleur et pour le pire), cela surprend quand même moins. Même si comme souvent les vieux titres sortis d’un carton valent bien mieux que leurs copies contemporaines sans personnalité.



Citation de Kiriko Nananan tirée d’une interview réalisée par Benoit Peeters dans le numéro 1 de Bang (deuxième formule), premier trimestre 2005.




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Titre : Pink
Auteure : Kyôko Okazaki
Traduit du japonais par Marie Bach et Marie-Françoise Monthiers en collaboration avec Naomiki Sato
Edition originale : 1989
Edition française chez Casterman (2007), collection Sakka (sens de lecture original) et collection Ecriture (sens de lecture occidental)
 

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M
Salut,Je suis beaucoup moins frileux que toi, puisque pour moi c'est un excellent bouquin. Mais c'est peut-être aussi parce que Kiriko Nananan me laisse, comment dire, indifférent. J'apprécie ses dessins et ses planches à petite dose.J'en cause ici : Pink de Kyôko OkazakiA bientôt.
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E
... blasphémateur !!![sinon, le lien entre Okazaki et Nananan se réduit finalement à l'influence que l'une a eu sur l'autre, davantage au niveau de sa réflexion sur la bande dessinée et ce qu'on peut y exprimer, plutôt que sur la manière de faire. C'est pas du tout le même langage]