[Pas Glop] I don't want to sleep alone - Tsai Ming-liang
L'année dernière j'ai pu voir mon premier film de Tsai Ming-liang, La saveur de la pastèque. Un film ma foi étonnant, bien loin de ce à quoi je m'attendais, avec du cul et des chansons, et d'après ce que je m'en souviens pas trop mal réalisé. Donc j'ai sauté sur ce I don't want to sleep alone (joli titre), tout frétillant de voir un nouveau film déjanté, et ce fut une nouvelle fois bien loin de ce à quoi je m'attendais. Mais si j'aime être surpris dans le bon sens, je digère mal de l'être dans le mauvais - surtout que dans le cas présent, c'est avec l'art et la manière, et pas avec le dos de la cuillère.
=> critique vénère et expéditive inside
J'ai coutume de dire qu'on reconnaît facilement un mauvais film quand durant la projection au milieu d'un torrent de nullité on se surprend à faire la remarque « awé, ce plan là il est chouette », I don't want to sleep alone a bien failli ne même pas me réserver ce plaisir. Et encore, je me demande si c'est pas moi qui ai constamment baissé mon niveau d'exigence tout le long de la séance.
Tsai Ming-liang ne bougera donc jamais sa caméra (à part si j'ai dormi, mais ça serait traître de sa part), mais après tout beaucoup la secouent pour rien dire, le plan fixe ça a parfois du bon. En fait il suffit que ça soit correctement monté. Mais Tsai Ming-liang ne fait aucun effort de montage. Sérieusement, je les ai comptés, il n'y a que six scènes qui comportent de véritables points de montage - cad pas une coupure aléatoire entre deux séquences sans relation, mais un vrai effort de construire un espace dans le film. On dira qu'un plan séquence fixe est parfois sauvé par son cadrage et sa composition, mais encore une fois quasiment aucun effort de ce point de vue, je jurerais que c'est cadré par ma grand-mère. Et ce dispositif de mise en scène n’est cette fois pas sauvé par un délicieux et inattendu effet secondaire comme avait pu l’être Linda Linda Linda. Je passe sur les autres éléments qui aurait pu limiter la casse (photographie, son,...) qui souffrent de la même négligence. Alors oui, film dans lequel tout point de vue, toute vision, est remarquablement absent, I don't want to sleep alone est le degré zéro du cinéma, son réalisateur ne faisant même pas l'effort de vouloir utiliser la moindre once de langage cinématographique.
Pire que ça, I don't want to sleep alone est la parfaite caricature du « film d'auteur asiatique » dans ce qu'il a de plus stéréotypé, de plus ridicule et de plus prétentieux. Sans connaitre la filmographie du réalisateur (et laissez moi vous dire que c’est pas demain la veille que je serai familier avec) je vous assure que ce film pue à cinquante bornes l’auteur qui autoplagie ses tics, ses thèmes et ses travers, se complaisant dans une démarche aussi vaine que radicale. Quasiment muet, sans réelle histoire mais quand même ponctuée de son lot de scènes de fesse, lent, terriblement lent au point où on pourrait obtenir un film normal en le passant en vitesse x2. Les chansons qui font à plusieurs reprises irruption dans le métrage sonnent comme le plus ridicule des gimmicks auteurisants (alors que dans La saveur de la pastèque les scènes de comédie musicale emportaient l’adhésion par leur étrangeté et la dynamique de rupture qu’elles insufflaient au film). Ne parlons pas des personnages, bien évidemment totalement creux, totalement privés de psychologie et qu'on croirait tous sous prozac, dont les personnalités même pas esquissées ont bien du mal à justifier les comportements incohérents. Le réalisateur a du se dire que ça serait sûrement un truc qui « rend bien » sur lequel les festivaliers (ce genre de films devraient d’ailleurs se cantonner aux festivals ; les salles sont déjà surchargées, et les distributeurs feraient mieux de sortir en salles des films de Shunji Iwai) s'extasieront de peur de passer pour celui qui n'a pas compris le film. En passant, je souhaite le plus grand courage et la plus belle imagination à qui voudra écrire une chronique positive de se film sans tomber dans les clichés usuels (cinéma du réel au plus près des corps, incapacité à exprimer l'amour, ancrage politique,...) de la critique de films d'auteur trop chiants mais qu'on est forcé d'aimer sinon on est pas cinéphile donc on ressort les conneries du dossier de presse en tissant une grille de lecture psychanalo-sociétale du film. Aller, je vous aide, dites un mot de ce film splendidement rythmé par les scènes où les personnages trimbalent leur matelas à travers la ville qui scandent comme une mélopée triste - vous pouvez même pousser le bouchon plus loin en tissant la métaphore de la passion du christ portant sa croix (c'est toujours très apprécié), le transport de matelas devenant, comme la flotte devient pinard, le Golgotha personnel des trois personnages. Trois personnages, trois croix, vous pouvez continuer sur la lancée de ce genre d'interprétations vides de sens, je vous laisse décider duquel des trois va jouer Jésus. Pour finir un petit mot de la profonde poésie mélancolique qui se dégage de ces scènes d'un chantier inondé ou encore de ville envahie par la fumée d'un incendie. L'eau et le feu, le déluge et la pluie de sauterelles, c'est le bonheur, l'interprétation biblique marche encore. Bullshit ! Ca marche toujours, en particulier quand on a rien à dire.
Je ne le cache pas, faire un film vide parsemé de deux-trois « indices », laissant deux heures au spectateur pour se faire son propre film en ne cessant de se demander « mais qu’est-ce que ça veut bien vouloir dire, ça a l’air si mystérieux », ça me botte en théorie (pourquoi pas en fait ?). Mais force est de constater que dans la pratique ça n’est pas encore forcément au point. Je suis désolé, une oeuvre doit rester maîtresse et indépendante, un film qui ne dit rien et qui trouve seulement des débuts de motivations dans les interviews du réalisateur et le kit presse du distributeur, c’est pas un bon film. C’est la mort de l’art, et le règne du discours creux et préfabriqué (en passant, si un des défenseurs du film pouvait m’expliquer ce que « perfection formelle » veut dire accolé à ce film - putain les gens ! osez dire qu'un film est pourri quand bien même il est porté au nues ! ça sert à rien de faire semblant d'avoir compris le film). Si le réalisateur a des choses à dire, qu’il les dise dans et par son film. Ou qu’il ne fasse pas de film. Une bonne idée ça, un film fictif, virtuel, avec juste des interviews et du matos promo. Faudrait que je lui touche un mot du concept, je pense que Tsai Ming-liang pourrait être intéressé. Bien moins cher à produire, il n’en empêchera pas moins les critiques de Télérama de se branler et ça n’en sera pas plus nul.
« Nul ». Un bon adjectif pour décrire le film. A prendre au sens propre comme au figuré, désignant le contenu comme le contenant. Tsai Ming-liang, cinéaste du néant, créateur de films vides et poète apocalyptique. Espérons qu’une telle épitaphe puisse rapidement être accolée à sa carrière de cinéaste.
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Titre : I don’t want to sleep alone
Réalisateur :Tsai Ming-Liang
Avec : Lee Kang-sheng, Chen Shi-zheng, Norman Atun,...
Durée : 118 minutes
Année : 2006
En salles à partir du 6 juin 2007
=> critique vénère et expéditive inside
J'ai coutume de dire qu'on reconnaît facilement un mauvais film quand durant la projection au milieu d'un torrent de nullité on se surprend à faire la remarque « awé, ce plan là il est chouette », I don't want to sleep alone a bien failli ne même pas me réserver ce plaisir. Et encore, je me demande si c'est pas moi qui ai constamment baissé mon niveau d'exigence tout le long de la séance.
Tsai Ming-liang ne bougera donc jamais sa caméra (à part si j'ai dormi, mais ça serait traître de sa part), mais après tout beaucoup la secouent pour rien dire, le plan fixe ça a parfois du bon. En fait il suffit que ça soit correctement monté. Mais Tsai Ming-liang ne fait aucun effort de montage. Sérieusement, je les ai comptés, il n'y a que six scènes qui comportent de véritables points de montage - cad pas une coupure aléatoire entre deux séquences sans relation, mais un vrai effort de construire un espace dans le film. On dira qu'un plan séquence fixe est parfois sauvé par son cadrage et sa composition, mais encore une fois quasiment aucun effort de ce point de vue, je jurerais que c'est cadré par ma grand-mère. Et ce dispositif de mise en scène n’est cette fois pas sauvé par un délicieux et inattendu effet secondaire comme avait pu l’être Linda Linda Linda. Je passe sur les autres éléments qui aurait pu limiter la casse (photographie, son,...) qui souffrent de la même négligence. Alors oui, film dans lequel tout point de vue, toute vision, est remarquablement absent, I don't want to sleep alone est le degré zéro du cinéma, son réalisateur ne faisant même pas l'effort de vouloir utiliser la moindre once de langage cinématographique.
Pire que ça, I don't want to sleep alone est la parfaite caricature du « film d'auteur asiatique » dans ce qu'il a de plus stéréotypé, de plus ridicule et de plus prétentieux. Sans connaitre la filmographie du réalisateur (et laissez moi vous dire que c’est pas demain la veille que je serai familier avec) je vous assure que ce film pue à cinquante bornes l’auteur qui autoplagie ses tics, ses thèmes et ses travers, se complaisant dans une démarche aussi vaine que radicale. Quasiment muet, sans réelle histoire mais quand même ponctuée de son lot de scènes de fesse, lent, terriblement lent au point où on pourrait obtenir un film normal en le passant en vitesse x2. Les chansons qui font à plusieurs reprises irruption dans le métrage sonnent comme le plus ridicule des gimmicks auteurisants (alors que dans La saveur de la pastèque les scènes de comédie musicale emportaient l’adhésion par leur étrangeté et la dynamique de rupture qu’elles insufflaient au film). Ne parlons pas des personnages, bien évidemment totalement creux, totalement privés de psychologie et qu'on croirait tous sous prozac, dont les personnalités même pas esquissées ont bien du mal à justifier les comportements incohérents. Le réalisateur a du se dire que ça serait sûrement un truc qui « rend bien » sur lequel les festivaliers (ce genre de films devraient d’ailleurs se cantonner aux festivals ; les salles sont déjà surchargées, et les distributeurs feraient mieux de sortir en salles des films de Shunji Iwai) s'extasieront de peur de passer pour celui qui n'a pas compris le film. En passant, je souhaite le plus grand courage et la plus belle imagination à qui voudra écrire une chronique positive de se film sans tomber dans les clichés usuels (cinéma du réel au plus près des corps, incapacité à exprimer l'amour, ancrage politique,...) de la critique de films d'auteur trop chiants mais qu'on est forcé d'aimer sinon on est pas cinéphile donc on ressort les conneries du dossier de presse en tissant une grille de lecture psychanalo-sociétale du film. Aller, je vous aide, dites un mot de ce film splendidement rythmé par les scènes où les personnages trimbalent leur matelas à travers la ville qui scandent comme une mélopée triste - vous pouvez même pousser le bouchon plus loin en tissant la métaphore de la passion du christ portant sa croix (c'est toujours très apprécié), le transport de matelas devenant, comme la flotte devient pinard, le Golgotha personnel des trois personnages. Trois personnages, trois croix, vous pouvez continuer sur la lancée de ce genre d'interprétations vides de sens, je vous laisse décider duquel des trois va jouer Jésus. Pour finir un petit mot de la profonde poésie mélancolique qui se dégage de ces scènes d'un chantier inondé ou encore de ville envahie par la fumée d'un incendie. L'eau et le feu, le déluge et la pluie de sauterelles, c'est le bonheur, l'interprétation biblique marche encore. Bullshit ! Ca marche toujours, en particulier quand on a rien à dire.
Je ne le cache pas, faire un film vide parsemé de deux-trois « indices », laissant deux heures au spectateur pour se faire son propre film en ne cessant de se demander « mais qu’est-ce que ça veut bien vouloir dire, ça a l’air si mystérieux », ça me botte en théorie (pourquoi pas en fait ?). Mais force est de constater que dans la pratique ça n’est pas encore forcément au point. Je suis désolé, une oeuvre doit rester maîtresse et indépendante, un film qui ne dit rien et qui trouve seulement des débuts de motivations dans les interviews du réalisateur et le kit presse du distributeur, c’est pas un bon film. C’est la mort de l’art, et le règne du discours creux et préfabriqué (en passant, si un des défenseurs du film pouvait m’expliquer ce que « perfection formelle » veut dire accolé à ce film - putain les gens ! osez dire qu'un film est pourri quand bien même il est porté au nues ! ça sert à rien de faire semblant d'avoir compris le film). Si le réalisateur a des choses à dire, qu’il les dise dans et par son film. Ou qu’il ne fasse pas de film. Une bonne idée ça, un film fictif, virtuel, avec juste des interviews et du matos promo. Faudrait que je lui touche un mot du concept, je pense que Tsai Ming-liang pourrait être intéressé. Bien moins cher à produire, il n’en empêchera pas moins les critiques de Télérama de se branler et ça n’en sera pas plus nul.
« Nul ». Un bon adjectif pour décrire le film. A prendre au sens propre comme au figuré, désignant le contenu comme le contenant. Tsai Ming-liang, cinéaste du néant, créateur de films vides et poète apocalyptique. Espérons qu’une telle épitaphe puisse rapidement être accolée à sa carrière de cinéaste.
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Titre : I don’t want to sleep alone
Réalisateur :Tsai Ming-Liang
Avec : Lee Kang-sheng, Chen Shi-zheng, Norman Atun,...
Durée : 118 minutes
Année : 2006
En salles à partir du 6 juin 2007